Photo: Wikimedia Commons Deux symboles du néolibéralisme qui s’impose dans le monde dès les années 1980 : Ronald Reagan, président des Etats-Unis (1981-1989) et Margaret Thatcher, premier ministre du Royaume-Uni (1979-1990).
[Article d'opinion publié dans Enbata.info]
Le projet libéral dominant ces dernières décennies voit son échec à répondre aux besoins des populations de plus en plus sanctionné dans les urnes. Quel nouveau modèle, vertueux ou funeste, va occuper la place laissée par son recul croissant ?
La séquence inédite des élections européennes et législatives a été une véritable « accélération de l’histoire ». Nous avons enfin pu palper la réalité de ce concept obscur qui rôde dans les dossiers militants. Les jours paraissent des semaines tant ils sont intenses en rebondissements. Ce qui était inimaginable la veille s’applique déjà le lendemain. Le cours des transformations qui sommeillaient se révèle et s’accélère. L’histoire s’ouvre, prête à changer brutalement de chapitre pour y écrire le meilleur comme le pire…
Macron a finalement repris le sifflet pour sonner la fin de la course. Alors que la gauche finit en tête, réussissant à doubler l’extrême droite au dernier tour de piste, ce sont pourtant bien les perdants qui montent sur le podium. Cette fin de séquence laisse évidemment un sentiment amer de trucage où l’arbitre, juge et partie, choisit les gagnants parmi ses amis. Bien des aspects de ce moment méritent des analyses à tête reposée tant cette période fut dense et annonciatrice de conséquences lourdes. Mais, à l’issue de cette séquence électorale, il est un fait parfaitement clair : le projet libéral recule.
Le recul du libéralisme
Après des décennies d’alternance entre des forces libérales plus ou moins conservatrices ou teintées de keynésianisme, l’ingestion des forces libérales autour d’un pôle central par Emmanuel Macron en 2017, qui lui a permis d’accéder à la présidence et d’enchaîner avec un raz-de-marée au Palais Bourbon, sonnait comme une « fin de l’histoire ». La messe semblait dite. Pourtant, depuis, les forces libérales ne cessent de régresser.
Les grands perdants de ces élections européennes et législatives sont les forces de la droite libérale conservatrice traditionnelle, et l’« extrême centre » de Macron. Dans une autre mesure, on compte aussi les tendances sociales libérales non acquises au macronisme qui se tapissent toujours dans l’ancienne gauche gouvernementale, laquelle a besoin de les écarter pour éviter sa propre désaffection.
Le libéralisme politique est aujourd’hui sanctionné dans les urnes à cause de son déclin sur le plan économique et social à l’échelle globale.
La promesse libérale ne tient plus. Le « progrès » économique ne s’accompagne plus d’un progrès social. Chacun ·e vit, de façon palpable, la dégradation des conditions de vie. Plus rien ne ruisselle. Le capitalisme se radicalise comme jamais. Les richesses sont détenues par une minorité de plus en plus riche et de plus en plus réduite, comme si la liquidation du monde libéral s’organisait en privé.
Une nouvelle bataille des récits
Face aux menaces économiques et climatiques en cours, dans la crainte des privations matérielles et du déclassement, les individus expriment un besoin de souveraineté, de relocalisation, de sécurité et de protection.
Ce besoin peut autant prendre une tournure vertueuse que funeste. La sécurité et la protection peuvent être sociales, universelles, solidaires, collectives ; comme elles peuvent être sécuritaires, discriminatoires et racistes. La souveraineté et la relocalisation peuvent être celles des peuples et des territoires pour un projet de société progressiste ; comme elles peuvent être celles du retour des puissances étatiques dans la domination impérialiste. Rien ne permet d’affirmer que la recomposition politique aboutira à une alternance de l’extrême droite ou de la gauche.
Déjà, face aux contre-pouvoirs démocratiques, des États glissent de la démocratie libérale vers un régime post-démocratique autoritaire. Macron fait partie de ceux-là en utilisant la répression dans la rue et l’autoritarisme dans les institutions pour imposer sa ligne politique libérale. Le capitalisme s’accommode de ces modèles post-démocratiques. Il peut tout autant se satisfaire de régimes carrément post-fascistes.
« Quels sont les nouveaux grands récits,
les imaginaires qui vont polariser le désir de transformation des sociétés ?
Et de quels exemples pratiques vont-ils s’inspirer ? »
L’horizon des possibles est grand ouvert. Au moment où le libéralisme qui a structuré le monde pendant des décennies semble faiblir, une bataille des modèles s’ouvre. Quels sont les nouveaux grands récits, les imaginaires qui vont polariser le désir de transformation des sociétés ? Et de quels exemples pratiques vont-ils s’inspirer ?
Dans cette lutte idéologique, l’extrême droite est déjà aux avant-postes. Charge aux forces progressistes de remporter cette bataille.