SINADURAK

Aurélie Trouvé

Attac-eko bozeramailea

Plus jamais ça

2021-01-10
EU

Elle doit s’accompagner d’une régulation internationale refondée sur la coopération et la réponse à la crise écologique, dans le cadre d'instances multilatérales et démocratiques, en rupture avec la mondialisation néolibérale et les tentatives hégémoniques des pays les plus puissants.


En dessous, action des membres du World Developement Movement Bruxelles, contre la privatisation des services publiques. Photo: Global Justice Now, CC BY 2.0. 

 

La crise du coronavirus qui touche toute la planète révèle les profondes limites des politiques néolibérales et productivistes. Il s’agit d’un crise systémique, qui ne peut être résolue, à court et long terme, que par un changement radical, c’est-à-dire remettant en cause les racines mêmes du système actuel.

Dans l’immédiat, toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des populations doivent être mises en œuvre. Mais ces mesures ne peuvent être prises de façon autoritaire, ultra verticale, comme le fait le gouvernement aujourd’hui : doivent être associées les collectivités locales, l’assemblée nationale et ses différentes sensibilités, les organisations syndicales, les associations de parents d’élèves, de consommateurs, environnementales, etc., les représentants économiques dans leur grande diversité…

 

Elles doivent passer par la prévention avant la répression.

 

Les pouvoirs publics doivent pallier en urgence à la baisse continue, depuis de trop nombreuses années, des moyens alloués à tous les établissements de santé dont les hôpitaux publics et les Ehpad. Un plan d’urgence doit permettre de disposer du matériel, des lits et des personnels qui manquent cruellement pour soigner chacun : réouverture de lits, revalorisation des salaires et embauche de personnel soignant, mise à disposition systématique de tenues de protection efficaces et de tests, achat du matériel nécessaire pour les soins… Ce plan d’urgence doit prévoir l’annulation des dettes des hôpitaux pour restaurer leurs marges de manœuvre budgétaires ou encore par la réquisition des établissements médicaux privés et des entreprises qui peuvent produire les biens essentiels à la santé. Enfin, pour freiner la pandémie, la protection sanitaire des salariés comme des élèves dans les écoles doit passer avant tout et le droit de retrait des salariés doit être respecté, lorsque leurs conditions de santé et sécurité ne sont pas assurées.

Les moyens dégagés par le gouvernement pour aider les entreprises doivent être priorisées pour les entreprises réellement en difficulté et notamment les indépendants, auto-entrepreneurs, TPE et PME, dont les trésoreries sont les plus faibles. Il faut surtout qu’il en fasse de même pour les travailleurs et chômeurs, pour éviter une très grave crise sociale : rehausse significative et élargissement du RSA (notamment aux jeunes), augmentation du salaire minimum… Contrairement à aujourd’hui, toute aide publique doit être conditionnée au maintien des emplois, à la transition écologique, à la suspension des dividendes. Les politiques néolibérales ont affaibli considérablement les droits sociaux des travailleurs, notamment depuis la crise : les reculs du droit du travail doivent tous être annulés. Et pour éviter que les salaires soient la variable d’ajustement de la crise, le versement des dividendes dans les entreprises, qui a atteint des niveaux record récemment, doit être immédiatement suspendu.

Le néolibéralisme a approfondi les inégalités sociales et la crise du coronavirus s’abattra notamment sur les plus précaires. Selon que l’on est plus ou moins pauvre, déjà malade ou non, plus ou moins âgé, les conditions de confinement, les risques de contagion, la possibilité d’être bien soigné ne sont pas les mêmes. Au nom de la justice sociale, des mesures supplémentaires devraient être mises en œuvre : réquisition des logements vacants pour les sans-abris et les très mal logés, rétablissement intégral des aides au logement, moratoire sur les factures impayées d'énergie, d'eau, de téléphone et d'internet pour les plus démunis…

 

La Banque centrale européenne (BCE) a injecté des liquidités énormes sur les marchés financiers. De façon inefficace.

 

Paola Breizh Macronavirus. 40ème jour de confinement Paris 20ème. 25 avril 2020. CC BY 2.0

 

Cette politique monétaire devrait conditionner ces soutiens à un triple critère sanitaire, social et écologique. Par ces interventions massives dans l’économie, la banque centrale et les pouvoirs publics doivent se donner l’opportunité de réorienter très profondément les systèmes productifs pour les rendre plus justes socialement, en mesure de satisfaire les besoins essentiels des populations et compatibles avec les grands équilibres écologiques. Car l'enjeu n'est pas la relance d'une économie profondément insoutenable. Il s’agit de soutenir avant tout les investissements et la création massive d’emplois dans la transition écologique, de désinvestir dans les activités les plus polluantes et d’opérer un vaste partage des richesses et des politiques bien plus ambitieuses de formation et de reconversion professionnelles pour éviter que les travailleurs et les populations précaires n’en fassent les frais. De même, des soutiens financiers massifs devraient être réorientés vers les services publics, dont la crise du coronavirus révèle de façon cruelle l’état désastreux : santé publique, recherche publique, services aux personnes dépendantes… Leur manque de moyens coûtera de trop nombreuses vies.

La  « crise du coronavirus » révèle notre trop grande vulnérabilité face à des chaînes de production ultra mondialisées et un commerce international en flux tendu, qui nous empêchent de disposer en cas de choc de biens de première nécessité. Des crises comme celle-ci se reproduiront. La relocalisation des activités, dans l’industrie, dans l’agriculture et les services, doit permettre d’instaurer une meilleure autonomie face aux marchés internationaux, de reprendre le contrôle sur les modes de production, d’avoir une chance de court-circuiter les multinationales et de baisser les coûts écologiques des transports.

 

Cette relocalisation ne doit cependant pas être l’occasion d’un repli sur soi et d’une montée des nationalismes égoïstes.

 

Elle doit s’accompagner d’une régulation internationale refondée sur la coopération et la réponse à la crise écologique, dans le cadre d'instances multilatérales et démocratiques, en rupture avec la mondialisation néolibérale et les tentatives hégémoniques des pays les plus puissants.

Tout en respectant le plus strictement possible les mesures de confinement, les mobilisations citoyennes doivent dès à présent déployer des solidarités locales avec les plus touchés, empêcher la tentation de ce gouvernement d’imposer des mesures de grandes régression sociale et pousser les pouvoirs publics à une réponse démocratique, sociale et écologique à la crise. Plus jamais ça. Lorsque la fin de la pandémie le permettra, nous nous donnons rendez-vous pour réinvestir les lieux publics et construire notre « jour d’après », en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral.

 

 

 

TWITTER